Mes petites cuillères


La théorie des cuillères fut, à l'origine, développée par Christine Miserandino afin d'expliquer les difficultés que peuvent traverser des personnes atteintes de lupus, imageant ainsi leur fatigabilité. Cette théorie des cuillères a été reportée au syndrome d'Asperger et Julie Dachez (alias Super Pépette) l'explique à merveille dans une de ses vidéos que je me permets de vous partager.


Pour voir sa chaîne YouTube, cliquez ici » Super Pépette

Cette théorie ne parle pas à tous les autistes Asperger, pour certains, elle ne fait pas forcément sens, leur fatigue étant beaucoup plus aléatoire que ça, ce qui est un peu mon cas, mais elle a l'avantage d'être pratique pour expliquer les limites d'une personne avec SA, car peu de gens comprennent ses limites sans les mettre sur le compte d'une flemmardise culpabilisante (d'autant plus quand on ignore son SA, ce qui était mon cas pendant longtemps).

J'ai toujours été quelqu'un qui avait besoin de peu d'heures de sommeil pour être en forme la journée. Cela s'est particulièrement remarqué quand je vivais seule, je m'adonnais à mon IS, l'écriture, jusqu'à 2 ou 4h du matin, et le lendemain, entre 8 et 9h du matin (soit entre 4 et 7 heures de repos plus tard, mais en moyenne 5 heures me suffisent), j'étais à nouveau réveillée, fraîche et reposée, prête à faire mon petit ménage pour me consacrer à nouveau, l'esprit libre, à mon écriture. La belle vie. Mais quand d'autres choses s'ajoutent à mon organisation, mes 4-5 heures de repos ne suffisent plus du tout, je traîne un épuisement toute la journée et aussi longtemps que je n'ai pas l'occasion de dormir autant que mon corps en a besoin (autrement dit, avec un réveil naturel).

Quand je parle "d'autres choses", je veux parler simplement d'aller aux courses, à un rendez-vous - avec des connaissances, amis, famille, ou un entretien pour le travail, le chômage, ou autres -, devoir faire un long trajet, avoir un souper le soir, faire une balade, etc. Et j'ai beaucoup de mal avec les changements de programme, pire encore quand ils arrivent au dernier moment. J'ai aussi beaucoup de mal à cumuler plusieurs choses le même jour.

J'ai toujours eu besoin de beaucoup de temps pour me préparer psychologiquement à une organisation quelconque. Un simple souper chez des amis, une sortie au restaurant avec mon mari, une promenade du chien avec une amie, une visite à mon oncle, peu importe quoi, il me faut du temps. Le coup de tête est très difficile pour moi. C'est assez difficile et complexe à expliquer en fait. Je vais tenter de faire au plus clair.

Quand on me propose quelque chose, aller boire un verre un de ces quatre, aller manger chez des amis, passer un après-midi quelque part ou autre, j'ai toujours tendance à répondre "oui" parce qu'au premier abord, aucune raison "valable" ne justifie le fait que je refuse (si ce n'est un "ça ne me dit rien..."). Ensuite, je regrette ma réponse, car, au-delà de ne pas avoir envie, cela me semble compliqué et ça me fatigue rien que d'y penser. Les échanges, le bruit, comment se tenir, quoi dire, quoi faire, le trajet, se préparer avant... Cela me semble d'avance insurmontable.

Il me faut du temps pour m'y préparer, il faut que j'arrive à me "préserver" jusque là pour pouvoir assurer, mais il arrive très souvent qu'arriver au jour J, je ne veuille plus du tout faire ce qui était prévu. J'annule quand je peux, mais je sais qu'en fonction de l'occasion, l'annulation au dernier moment n'est vraiment pas la chose à faire, ne serait-ce que par respect, donc souvent, je prends mon courage à deux mains, je me force, je dois avouer que généralement, je passe un bon moment (quand ce n'est pas une grande assemblée), bien qu'épuisant, mais parce que je sélectionne énormément le type de sorties/rencontres que je programme. Il est rare que je passe du temps avec des gens que je n'apprécie pas et qui sont trop différents de moi, et trop nombreux.

Au début de notre relation, avec mon mari, il côtoyait énormément d'amis, allait régulièrement à des fêtes où l'alcool coulait à flots. Mon mari - qui ne l'était pas encore à cette époque - pensait que j'appréciais ces soirées, car je tentais de feindre une sociabilité qui me coûtait énormément, mais chaque nouvelle soirée, c'était limite la crise, l'angoisse, je ne voulais pas, je crisais, je cherchais une manière de l'éviter, mon mari ne voulant pas y aller seul (et je devais avouer que cela m'arrangeait bien, car je ne voulais pas qu'il me laisse seule dans ce genre de moment).
Parfois, il y avait également quelque chose de prévu le lendemain de ces fêtes, et là c'était carrément l'horreur pour moi. Aujourd'hui, il n'est plus jamais question de cumuler autant d'agitation en si peu de temps, et si ça devait arriver (comme en période de fêtes de fin d'années, beaucoup de choses se cumulent), et bien je tente de prendre du temps pour me reposer.

Depuis un an que ma fille est là, il est vrai que l'organisation et les temps de repos manquent, il m'arrive parfois de "péter les plombs" en disant que tout va mal, que j'ai besoin d'une aide pour m'occuper de la petite - et me libérer des moments de calme (aussi pour mes IS) -, que je n'arrive plus à tenir, etc. J'essaie de ne pas devenir trop pesante pour mon mari qui fait déjà énormément, et je remercie ma maman de venir régulièrement alléger mes journées en venant me retrouver, même si elle génère parfois d'autres tensions en chamboulant quelque peu mon organisation et mes habitudes et que de devoir interagir en plus de m'occuper de ma fille n'est pas toujours moins fatigant.
Dans tous les cas, avec ma fille à m'occuper, je ne me sens plus la force de rien, pas même d'aller aux courses, de sortir de chez moi. Sortir la chienne est une vraie charge alors que j'adore ces moments de balade en pleine nature avec ma petite boule de poils.

Une amie me propose régulièrement des balades en forêt justement, et c'est vrai que, n'ayant pas de permis de conduire, aller avec elle est pratique pour faire voir un peu d'autres choses à ma chienne. J'aime beaucoup cette personne en plus, on parle de choses intéressantes, etc. Mais le simple fait de penser qu'il faudra parler me fatigue, alors bien souvent, je n'ai pas la force et annule au dernier moment, ce qui m'a valu de nombreux reproches - blessants, mais justifiés - de la part de cette personne.
Mais c'était trop, trop pour moi qui cumule trop de fatigue, avec tout ce qu'il y a à faire avec la petite.

Ma fille est du genre calme. Ce n'est pas l'enfant qui hurle sans cesse, qui pleure à la moindre contrariété, etc. Pourtant, le fait qu'elle vocalise, qu'elle frappe ses jouets entre eux, les lâches par terre, qu'elle fasse aboyer la chienne en jouant avec ou en l'attirant avec sa nourriture, je dois dire que ça me pompe une énergie que je me surprends même d'avoir. Mon côté Wonder Maman qui sait ? Mais qui n'a l'air de rien à côté de la maman NT qui travaille, court partout, doit gérer les courses, l'enfant peut-être plus capricieux, et/ou malade (fréquent quand un enfant va à la crèche), etc. tout en allant encore au fitness ou boire des cafés avec les copines). Moi je m'occupe de ma fille, c'est tout.

Cela me père souvent, car je n'arrive pas à concilier ma fille et mes IS qui me manquent au point que je m'y consacre de nuit, raccourcissant en prime le peu de repos que je pourrais récupérer.
Le bruit me prend particulièrement beaucoup d'énergie (de cuillères...) et l’interaction aussi. Pourtant, je n'aime pas particulièrement être seule (quoique oui, quand je peux passer tout mon temps à faire ce qui me plait, écrire, lire sur des sujets passionnants, dessiner, faire de la photo...), mais j'aime sentir une présence, sans me sentir l'obligation d'échanger avec la personne. Voilà pourquoi je suis bien quand mon mari est à la maison. On est ensemble, je peux me reposer sur lui quand je veux un moment de calme, mais je n'ai pas forcément besoin d'interagir continuellement avec lui, ce que je me force à faire avec d'autres, par convention sociale, jusqu'à trop en faire (les gens me décrivent comme bavarde, et effectivement, je ne sais jamais doser).

Quand une occasion de grande ampleur s'organise (Noël en famille, un anniversaire, etc.), je sais qu'il va falloir que je prenne sur moi, que je ne pourrai pas me défiler. Il est rare qu'en prime je sois entourée de personne que je n'apprécie pas, ce qui était plutôt fréquent il y a encore quelques années. Maintenant, il arrive que je sois avec certaines personnes que je ne connais pas, simplement. Dans tous les cas, je suis généralement entourée de personne que j'apprécie, je prends donc sur moi pour supporter le bruit (principale source de fatigue), les sollicitations, les échanges, en plus de toute la gestion parallèle qui, si elle est à ma charge, doit se dérouler comme je l'ai prévu sans quoi cela risque de me rendre terriblement nerveuse et angoissée - bien que cela ressorte souvent en colère et j'ai alors droit à des remarques du genre "détends-toi, c'est pas si grave" qui ne m'aident pas à me détendre. Voilà pourquoi, dans ce genre de cas, c'est souvent mon mari qui prend les choses en mains, je n'ai alors rien à gérer niveau organisation et, lui faisant confiance, je suis un peu plus détendue. Mais quand arrive la fin de l'évènement, c'est toujours un peu la bataille en moi, entre la fatigue et mon besoin de remettre de l'ordre... Je tolère jusqu'à un certain point, mais s'il y a trop, je n'arrive pas à dormir.

Depuis que ma fille est là, je dois avouer que quand arrive l'heure de la coucher, je ne cherche en tout cas pas à faire vite. Ma fille n'est pas du genre à se coucher dans les pleurs. Elle cherche sa position un moment, mais toujours en silence. Je m'allonge donc à côté de son lit et attends avec elle que la fatigue la trouve et qu'elle s'endorme. Parfois, je m'endors un peu avec elle. On m'a eu dit que je créais une dépendance chez ma fille à m'allonger et attendre avec elle qu'elle s'endorme. J'aime beaucoup ces remarques de gens qui jugent sans savoir (ironie). Ma fille est tout à fait apte à s'endormir seule, et il arrive fréquemment qu'on la laisse trouver son sommeil seule, elle le fait sans se plaindre et s'endort tout aussi calmement. Je précise, pour ceux qui penseraient le contraire.

J'ai eu fait des crises de larmes pour des rendez-vous que je ne pouvais plus assumer, parce que j'avais déjà cumulé beaucoup de fatigue et que je voulais absolument annuler. En revanche, j'ai toujours trouvé le moyen de m'isoler des lieux trop agités et bruyants, évitant ainsi la surcharge sensorielle. On me verra aussi fréquemment aller aux toilettes, pour éviter les discussions, etc.

Donc voilà, en gros, tout ça pour dire que je ne suis pas une flemmarde qui ne sort pas de chez elle parce qu'elle n'aime pas se bouger, mais simplement parce que je suis épuisée par le simple fait de traverser mes journées. Alors, pardonnez-moi d'avance si j'annule quelque chose qui était prévu, ce n'est pas de la mauvaise volonté. Cela m'est juste impossible à accomplir.

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