Syndrome de l'imposteur - partie 2


Comment croire une seconde au syndrome d'Asperger quand on a eu une enfance comme la mienne, quand on est bavarde comme je peux l'être avec les gens, quand on est autant entourée, quand on a la verve aisée... ? Je me suis posé la question, parce qu'après tout, je ne souhaite pas particulièrement devoir endosser le syndrome d'Asperger si celui-ci ne me concerne pas, et voilà ce que j'ai trouvé...

J'ai posé la question à d'autres femmes Asperger, intriguée de savoir si elles aussi avaient eu des copains-copines pendant leur enfance, et il semblerait que oui, qu'il n'y a rien d'étonnant qu'une jeune fille, même autiste Asperger, se fasse des amis/es et soit si bavarde.

Voici quelques extraits de réponses que j'ai pu avoir :
"Je pense que c'est une erreur de croire que les autistes ne veulent pas d'amis. C'est juste qu'on ne sait pas faire, ou garder les amitiés ! J'ai eu des amies, mais je n'ai pas su les garder."
"J'avais des copains, mais j'aimais la solitude.
Je devenais comme eux pour être acceptée. Je pouvais même avoir l'air joyeux et plein d'entrain, courir avec eux.
J’étais même parfois leader (de façon plutôt dictatrice par contre, pour que tout tourne comme je le voulais).
Je suis devenue la meilleure aux billes de mon école pour être un peu "admirée". J'invitais des enfants chez moi."
"Petite fille, j'étais à la fois solitaire et sociable. Je n'ai posé de problèmes à personne. Ma scolarité s'est passée sans accroc apparent, haut la main : ceci dit, je n'ai jamais beaucoup travaillé, tout ça reste dans mon souvenir comme une longue promenade ennuyeuse.
Je n'ai pas souvenir d'avoir faire des crises de colère (apparente). J'ai par contre souvenir de véritables implosions internes, mais les extériorisations de ce genre de choses n'étaient pas vraiment admises chez moi."
 Il y en a même une qui m'a simplement répondu :
"C’est fou, j’ai pratiquement le même parcours que toi à quelques détails près, et encore ce sont des détails dus au contexte plutôt ! Je trouve ça bluffant du coup d’avoir une vie qui ressemble énormément à la tienne"
Comme quoi, mon enfance n'est peut-être pas si "typique" que ce que l'ont pourrait croire, et ça même si j'avais des copains, je n'avais pas vraiment d'amis, il faut bien l'avouer, et aujourd'hui, je les ai tous perdus de vue. Même si nous jouions dans la rue, parfois, avec les autres enfants, nous n'étions pas vraiment intégrées, ma sœur et moi, au point de nous faire parfois huer au moment où nous sortions de chez nous. Je n'avais d'ailleurs pas réellement de plaisir à jouer avec les autres enfants, j'avais du mal à suivre les règles et que je préférais largement m'amuser dans la nature, seule, ou avec une amie que j'ai eue pendant un ou deux ans et qui adorait aussi la nature. Je l'ai également perdue de vue.

On dit que les enfants Asperger n'acceptent pas qu'on remette en question leur parole quand ils ont raison. Je me souviens d'une fois, j'avais moins de 8 ans, une petite fille avec un ballon imprimé façon globe terrestre. Je lui ai montré où se trouvait notre pays et elle n'a pas voulu me croire, elle se moquait de moi. Je n'ai pas su retenir ma crise, je lui ai tiré les cheveux au point de lui en arracher une poignée. Je me rappelle que ma professeur a récupéré la poignée de cheveux pour la mettre dans une enveloppe, en guise de preuve pour en parler avec mes parents. Je dois avouer que je ne me souviens plus vraiment de ce qui s'est passé ensuite.

On en revient au syndrome d'Asperger au féminin...
J'ai récemment lu un article qui en parlait, Le handicape invisible des Aspergirls, tiré du magazine "Le cercle Psy" et dans lequel on peut y lire :
"Il existe en effet des femmes Asperger dont le syndrome se fait discret, et qui mènent leur vie quotidienne avec les manifestations plus ou moins envahissantes d’une différence qui n’a pas toujours été identifiée. À l’extrémité du spectre autistique, elles se sont tellement adaptées à notre monde social que leur handicap est "invisible"."
"Les femmes Asperger se remarquent moins en général, car elles sont plus discrètes au niveau des manifestations autistiques. Elles ont absorbé la notion d’être modérées dans leurs comportements et à se fondre dans la masse autant que possible. Elles peuvent développer des stratégies d’adaptation et du mimétisme pour se faire accepter et pour paraître moins ‘‘bizarres’’ aux yeux de leur entourage"
"Les petites filles Asperger adoptent la stratégie du caméléon : afin de ne pas attirer l’attention, elles imitent le comportement des autres et essaient de copier leurs expressions faciales et leurs gestes. Observant leurs pairs avec la minutie d’un anthropologue, elles repèrent ce qui n’est absolument pas naturel pour elles [...]. Comme elles sont intelligentes et dotées d’une grande mémoire, elles apprennent. [...] Grâce à ces stratégies, elles réussissent en partie à compenser leurs différences, au prix d’un effort constant. Mais comme ces relations sociales leur demandent beaucoup d’énergie et les épuisent, elles ont tendance à s’extraire, à rester plutôt solitaires."
"Les aspergirls étant intelligentes, créatives, et même parfois volubiles et sociables, il est facile d’oublier qu’elles sont atteintes du syndrome, et qu’il s’agit avant tout d’une forme d’autisme."
"Ces jeunes filles solitaires, renfermées dans leurs routines, ne comprennent pas les intérêts futiles des filles de leur âge. "Je ne discute pas de sujets de femmes en fait : le maquillage, les chaussures, les vêtements… ça ne m’intéresse pas", explique Aurore. [...] Beaucoup décrivent cette adolescence atypique comme une période sombre de leur existence. Laurent Mottron précise : "Les filles commencent à investir leur apparence en gros l’année avant la puberté. Mais pas les Asperger. Donc les autres souvent les trouvent ridicules, se moquent d’elles, ou pensent parfois qu’elles sont homosexuelles parce qu’elles n’ont pas de marque de féminité…""
J'ajoute cette citation que je trouve très juste :
""Les personnes neurotypiques sont tout le temps dans l’interprétation, elles veulent nous attribuer des pensées que nous, on n’a pas. Par exemple si on dit "il pleut, il fait froid", elles se disent "ça y est, elle insulte ma région", alors que moi non pas du tout, je fais juste un constat !", plaisante Julia."
Et je ne peux que confirmer. Combien de fois m'a-t-on reproché de me plaindre alors que je ne faisais que signifier un fait ? Pour l'avoir signalé encore et encore, je ne comprenais pas pourquoi les gens n'arrivaient pas à faire la différence entre un constat et une plainte, entre une observation et une critique négative, entre l'expression d'un ressenti et une requête sous-entendue.
Comme je dis toujours : si je dis "j'ai froid", ça ne veut pas dire "ferme la fenêtre", ça veut juste dire "j'ai froid".

Donc voilà, je voulais partager cet article - que je vous invite vivement à lire en entier - pour relever certains points qui montrent qu'une fille/femme Asperger peut enfouir énormément de choses au fond d'elle, dissimuler beaucoup, chercher à tout prix à être normale, penser que ses efforts pour atteindre la normalité sont communs et ne pas en parler particulièrement. Qu'elle peut sembler tout ce qu'il y a de plus normale, typique, et pourtant cacher une particularité.

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