Empathie bas niveau


Lors de mon diagnostic Asperger, j'ai dû répondre à un questionnaire pour calculer mon quotient empathique (QE). J'ai longuement discuté avec le psy de chaque réponse que je donnais, certaines proposant des situations que je ne vis pas particulièrement, ou demande d'affirmer ou d'infirmer que notre entourage nous fait souvent telle ou telle remarque. C'était extrêmement difficile pour moi de répondre, car je devais parfois imaginer ce que les autres pourraient penser de moi dans une situation fictive. Et autant dire que, vu mon résultat à ce test, cet exercice était extrêmement difficile.

J'ai obtenu un résultat de 8/80, ce qui est très faible. J'ai été très surprise par ce résultat, qui était le même que celui obtenu sur des tests internet, et qui est même plus bas que la moyenne Asperger car je me suis toujours crue très empathique, sensible et compréhensive. J'ai donc refait le test sur Internet, qui propose les mêmes questions, réfléchissant à la meilleure réponse à donner, ne sachant pas vraiment ce que le psy notait comme réponse suite aux explications que je lui donnais. J'ai tenté d'être le plus honnête possible et mon résultat était à nouveau de 8. Je l'ai retenté encore une fois dernièrement, et je suis tombée à 7...


Du coup, je préfère encore me satisfaire du résultat 8/80...

Intellectualisation
Le résultat de mon QE m'a fait prendre conscience que ce que je prenais pour de l'empathie était en réalité bien souvent une analyse et une intellectualisation des situations, que je tentais de comprendre par la logique, en fonction de mes connaissances en psychologie et non que j'étais réellement empathique.
Ce qui ne veut pas dire que je ne ressens rien ni n'ai aucune empathie, bien au contraire, mais cela ne vient pas comme ça. Par exemple, je ne suis pas insensible aux histoires émouvantes qui circulent sur Internet - qui sont généralement en lien avec de la prévention routière, une campagne anti-drgue, anti-tabac, une ligue contre le cancer ou autres maladies, etc. - et imaginer que cela puisse arriver à une personne que j'aime est inimaginable. Mais bien souvent ces histoires sont exagérées, incohérentes, les protagonistes sont un peu stupides, naïfs, etc. Et mon côté émotionnel décroche pour remarquer tous ces détails. Ça ne colle pas. Je n'arrive pas à éprouver de l'émotion face à du ridicule.

Émotions refoulées
Je peux être terriblement touchée par une situation ordinaire, je peux être triste ou heureuse face à un évènement précis, et ne rien laisser paraître, parce que je n'ai jamais rien laissé paraître, sans trop savoir pourquoi. Comme si mes émotions allaient être vues comme ridicules ou déplacées, j'ai toujours cherché à les cacher, les refouler, les garder au fond de moi au point de sembler/devenir (je ne sais pas trop) froide dans la plupart des situations. Pourtant, il y en a de nombreuses qui peuvent me mettre les larmes aux yeux, de bonheur comme de chagrin.

Je peux aussi être facilement blessée, au point d'avoir envie de pleurer. Si je me laissais aller, je pleurerai presque une fois par jour, en tout cas, ou à chaque fois que je vois du monde, au minimum. Mais je refoule complètement parce que je ne veux pas qu'on pense que je suis une pleurnicheuse, ou dépressive, cependant, si je cumule trop, cela se transforme généralement en colère. Je deviens à fleur de peau, très susceptible, je n'ai plus une once de patience... Si je n'arrive pas à me calmer, cela peut se transformer en pleurs, à un moment où rien ne se passe, et on peut penser que je pleure pour rien.

Mauvais soutien
J'ai toujours beaucoup analysé les situations, mais il est vrai que niveau émotion, quand une personne se confie à moi, je vais avant tout ressentir un profond malaise, car je ne saurai pas comment réagir, et je ne suis pas du genre à poser une main sur l'épaule.
Alors quand la situation s'y prête, j'essaie d'apporter une solution au problème, suite à l'analyse de la situation. Quand on me parle d'un conflit, j'essaie de me mettre à la place de l'autre personne, non pas parce que je la connais et que j'arrive à deviner ce que cette personne pense et comment elle fonctionne, non, simplement en imaginant, en fonction de ce que je connais de la psychologie, d'où peut provenir le souci. On me dit parfois que je suis à côté de la plaque, que l'autre personne n'est pas ainsi et bla bla...

Un ami m'a signalé un jour qu'il appréciait ma façon de voir les choses, parce que, justement, je ne me contentais pas de "mettre une main sur l'épaule", que je restais objective et neutre. Mais il est bien le seul à qui cette façon de faire plaisait. En général, les gens n'aiment pas vraiment mon "soutien", car quand ils se confient à moi, je ne me contente pas de les écouter et de leur donner raison, de les plaindre ou je ne sais quoi d'autre qu'il faudrait que je fasse. J'essaie de comprendre la situation objectivement pour amener une solution objective, qui demande souvent de mettre sa fierté de côté "Et si tu lui disais simplement que tu es blessé ?"... Mais ça ne fonctionne pas comme ça visiblement. Tout est toujours plus compliqué pour les autres. Moi je fonctionne comme ça, je n'ai peut-être pas de fierté (bien que parfois je sois vexée et que je boude comme une gamine), mais ça m'est égal, au moins j'ai une bonne relation avec mon mari, on parle de nos émotions, etc.

Cependant, je connais la technique de la main sur l'épaule et sais la mettre en pratique quand je n'ai pas vraiment envie de m'investir. Et c'est paradoxalement dans ces cas-là que mon soutient est le mieux accueilli et apprécié.

Verbalisation émotionnelle
J'ai grandi dans un environnement où il était important de verbaliser ses sentiments afin d'évier les conflits ou qu'une situation ne s'envenime bêtement. Mon père ayant fait des études de psychologie, il avait une façon d'appréhender les problèmes qui fait que j'ai toujours eu beaucoup de facilité à me confier à lui. Il a développé chez moi une passion pour la psychologie humaine, l'anthropologie, la sociologie, puis la manipulation émotionnelle, médiatique, les micro-expressions, le langage du corps, etc. Bref. C'est un de mes intérêts spécifiques (IS) qui me passionne depuis très longtemps et j'aime en savoir toujours plus. Mais du coup, je m'éloigne effectivement du côté émotionnel de certains échanges.

Niveau sentiments, j'ai toujours été plus à l'aise par écrit, parce que je n'ai pas à faire face à la personne à qui je me confie, mais aussi parce que c'est plus simple pour moi de mettre des mots sur ce que je ressens que de me laisser aller à "vivre" l'émotion. Je n'aime pas parler de ce que je ressens. Alors si en plus, quand j'arrive à me confier, la personne en face essaie de me réconforter en me coupant la parole, et en essayant de me réconforter avec des propos vides de sens, ça ne m'aide pas.

La tristesse des autres
Il y a de nombreux cas où la tristesse des autres ne m'atteint pas, sauf celle de mes proches. Quand mes grands-parents sont morts, la peine de mon père et de ma mère m'a énormément touchée. Je me suis rendue à d'autres enterrements, et la tristesse des autres ne m'atteignait pas particulièrement. Je me rendais bien compte que la situation était triste, que les personnes présentes l'étaient aussi, que c'était malheureux, mais tout était intellectualisé. En revanche, dans le cas de mes grands-parents, la tristesse de mes parents était véritablement douloureuse pour moi. Également, la mort de mes grands-parents paternels avec qui j'avais un fort attachement m'a énormément attristée. Je n'ai cependant pas pleuré car j'ai toujours refoulé le moindre sentiment que je pouvais ressentir, gardant tout ça au fond de moi jusqu'à sembler froide dans les quelques situations qui m'atteignent réellement.

Mes grands-parents me manquent énormément.

Empathie artificielle
Quand je regarde un film triste, une romance déchirante, un drame, la guerre, que sais-je, je n'éprouve pas particulièrement de tristesse ou autre émotion parce que je n'aime pas particulièrement les histoires tristes. J'ai pu constater que mon manque d'émotion face à ce genre de film est dû à un décrochage de ma part. Comme je n'ai pas envie d'éprouver une émotion triste ou désagréable, je décroche, je "sors" du film, je me détache émotionnellement, et donc, je m'ennuie. Mais ça ne marche pas avec tout, je ne suis de loin pas insensible, j'ai pleuré lourdement en regardant "La dernière marche" et "Instinct". Peut-être d'autres, mais ils ne m'ont pas laissé de souvenirs transcendants.

Poils, plumes, écailles et empathie
J'ai toujours eu énormément d'empathie pour les animaux, je ne supporte pas de les voir souffrir, de les imaginer maltraités, de penser aux injustices dont ils sont victimes... J'ai été végétarienne pendant plusieurs années, mais - petite parenthèse - à force de lecture (le sujet était momentanément devenu mon IS), j'ai fini par comprendre que ce n'était pas le fait de manger de la viande qui était criminel. C'est avant tout l'industrialisation, la surconsommation de viande et le massacre à grande échelle qui est inacceptable ! Tout comme d'autres animaux se nourrissent de viande, l'humain y trouve également des nutriments importants. Il peut s'en passer aisément, c'est vrai, mais dans notre société, il est difficile de trouver de quoi remplacer tout ça. Dans mon pays, dans ma ville, j'avais beaucoup de peine, les magasins ne proposaient que peu voir pas du tout de substituts, je tournais en rond dans les repas et je ne trouvais plus aucun plaisir dans le fait de manger. J'ai fini par prendre la décision de remanger de la viande, mais en petite quantité, quand je suis tombée enceinte, car j'ai eu quelques complications. Je n'en mangeais pas tous les jours, et pas n'importe laquelle ni n'importe comment. Aujourd'hui, je peux dire que je suis un genre de flexitarienne, toujours consciente de ce que je mange - fin de parenthèse-.

J'ai pu pleurer à chaudes larmes face à des vidéos qui montrent de la torture endurée par des animaux, j'ai aussi lourdement pleuré quand mes animaux, particulièrement ma lapine, Puna, sont morts. Et je n'ose pas imaginer ce qu'il en sera le jour de la mort de notre chienne...

Transfert
Je n'ai jamais été émue particulièrement par des histoires terribles concernant des enfants, mais depuis que j'ai un enfant, je fais une sorte de transfert sur ma fille et, même si je sais que mon enfant n'est pas concerné, je ne peux m'empêcher de me mettre à la place des parents, de la famille, et imaginer que mon enfant soit la victime, cela me met dans un état de tristesse et de douleur difficilement assumable. Du moins, quand le cas est réaliste. L'histoire d'un bébé zombie, par exemple, ne m'atteindra pas du tout.

Envers les gens
Comme dit plus haut, les confidences me mettent mal à l'aise. Quand une personne me parle de ses soucis de boulot, du décès d'un proche, d'une maladie grave qu'il a pu attraper, d'une dépression ou autre, je me retrouve bête, à ne pas savoir quoi dire. Souvent je ne dis rien de particulier, je me contente de m'exprimer par onomatopées - "Ah ? Oh lala, non ? Mmh, tsss..." - plus ou moins soutenues en singeant de la compassion, de la pitié, mais bien souvent, je n'ai qu'une envie : m'éloigner, fuir, dire que ça ne m'intéresse pas (ce qui n'est pas exactement juste, mais ça me met trop mal à l'aise).
Je ne cherche pas forcément de contact avec ces personnes, je ne pense pas forcément à les rappeler pour leur demander comment ça va ou autre. Mais je me souviens généralement de ce qui m'a été confié donc quand il m'arrive de les recroiser et que la discussion s'amorce, et bien je lance ces sujets puisque je m'en souviens, mais je ne sais pas si c'est toujours approprié.

Encore une fois, ça ne veut pas dire que le malheur ou la tristesse des autres ne m'atteint pas, mais... Je ne sais pas vraiment comment le dire sans paraître monstrueuse, cependant, je ne veux pas m'attrister pour tout le monde, sinon je passerais ma vie à pleurer pour les autres et ne plus voir que ma vie, à moi, est belle (eh oui...).

Envers les proches
Quand c'est une personne qui compte pour moi, son désarroi me touche, énormément même, mais mon visage ne l'exprimera pas forcément, mes réactions resteront, malgré tout, les mêmes : Les onomatopées ou la tentative de trouver une solution. Là non plus, je ne pense pas forcément à prendre de nouvelle, à appeler, ou autre, pourtant, je peux passer une journée complète, voir plusieurs jours, à me demander comment va une personne sans penser à lui écrire un message (oui parce que je n'aime pas appeler). Mais ça ne veut en aucun cas dire que je m'en fiche, au contraire.

Quand une personne proche ou qui m'importe me dit qu'elle passera un examen, qu'elle devra subir une opération ou autre chose importante, je m'en souviens. Le jour J, j'y pense, mais je n'écris pas forcément, comme si le fait de penser à la personne me faisait sortir de la tête le fait de la contacter. Parfois j'y pense quand même. Mais de loin pas toujours.

Après, il y a aussi le fait que, face à une confidence, je ne sais pas toujours quelle réaction avoir. Je ne sais pas si telle ou telle réaction fera plaisir à la personne qui me parle ou si ça la mettra mal à l'aise, si ça la vexera ou autre, donc je préfère ne rien afficher.

La vraie et la fausse empathie
Ceci dit, je connais le principe de la fausse et la vraie empathie que je tente de mettre en pratique la plupart du temps. Mais qu'est-ce que c'est me demanderez-vous ?

Petit cours de psychologie (et de communication)
Il s'agit simplement de ne pas tenter de faire comprendre à la personne qu'elle a tort de ressentir ce qu'elle ressent avec des paroles soi-disant réconfortantes. Par exemple, une personne qui vous dit être triste parce qu'elle a perdu son boulot, si vous lui dites que tout ira bien, qu'elle ne doit pas s'inquiéter et qu'elle a tout pour réussir, c'est de la fausse empathie, ça ne va pas dans le sens de son état d’esprit du moment. En revanche, lui dire qu'elle a toutes les raisons d'être triste si ce travail lui plaisait, que ce n'est pas juste, c'est de la vraie empathie, ça lui prouve qu'elle a le droit et raison de ressentir ce qu'elle ressent.
Rien n'empêche alors de rebondir sur des phrases encourageantes, par exemple "C'est normal que tu sois triste, c'était un chouette boulot. (vraie empathie) Heureusement (conjonction positive), ce n'est pas le seul et quand tu te sentiras prêt/e, je ne doute pas que tu retrouves un travail aussi sympa." (éviter les conjonctions négatives : "C'est normal que tu sois triste, c'était un chouette boulot. Mais ce n'est pas le seul et quand tu te sentiras prêt/e, je ne doute pas que tu retrouveras un travail aussi sympa" sonne comme "oui oui, mais arrête de te plaindre.").

Je m'en sers tout le temps, pratiquement. Et cela me vaut parfois des compliments sur le réconfort apporté à certaines personnes alors qu'en réalité, je ne partage pas du tout leur émotion (sauf pour les gens que j'aime), j'intellectualise, j'analyse, c'est tout.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire