Les Intérêts Spécifiques (IS)

La plupart des gens ont des passions, mais quand une personne autiste Asperger a une passion, cela se traduit généralement par ce qu'on appelle un Intérêt Restreint (IR). Beaucoup d'Asperger n'aiment pas cette appellation qui dénote d'un côté limité, or justement, ce n'est pas le cas. Ces intérêts particuliers n'ont alors plus de limite pour la personne aspie, elle veut cumuler le maximum d'informations / objets en rapport avec ses intérêts. Voilà pourquoi le terme d'Intérêt Spécifique (IS) est souvent plus apprécié, car effectivement, l'intérêt peut, de par sa définition ou son intensité est extrêmement spécifique, voire considérée comme anormal aux yeux de la majorité.

"Une préoccupation pour un ou plusieurs centres d’intérêt anormaux dans leur définition ou leur intensité. Les centres d’intérêt anormaux dans leur définition font référence à des passions jugées peu communes ou peu utiles [...]. Les centres d’intérêt anormaux dans leur intensité font plus référence au temps important consacré à cet intérêt, sans que celui-ci paraisse anormal dans sa définition [...]. Quelques récentes études ont démontré que les garçons et les hommes sont plus enclins à avoir des intérêts spécifiques anormaux dans leur définition alors que les filles et les femmes ont des intérêts spécifiques « moins anormaux » dans leur définition, mais y consacrent un temps conséquent."

"Même si les intérêts restreints sont un critère déterminant dans le diagnostic de l’autisme, il est important de noter que certaines études (Bashe and Kirby 2001, Hippler and Klicpera 2004 et Tantam 1991) montrent que 5 à 15 % des personnes Asperger qui répondent à l’ensemble des autres critères de diagnostic de l’autisme n’ont pas d’intérêt spécifique."

"Les centres d’intérêt des personnes autistes se développent généralement à partir de ce qui les intéresse vraiment, de leur propre pensée et non pas par rapport à des sujets qui seraient en vogue ou populaires. Ils sont souvent solitaires et sont accomplis avec passion, mais peu souvent partagés avec la famille ou les amis."

Il existe deux catégories d’Intérêts Spécifiques :

• les collections : accumulation d'objets liés à l'IS
• l’acquisition de savoir et d’expertise : accumulation d'informations liées à l'IS

"Tony Attwood précise qu’il peut y avoir des différences entre les intérêts spécifiques développés par les filles et les femmes par rapport à leurs homologues autistes masculins. Cela peut expliquer en partie la difficulté à diagnostiquer les femmes, notamment celles avec un syndrome d’Asperger. Les filles ou les femmes ont souvent un centre d’intérêt qui n’est pas inapproprié à leur âge et dont le sujet est assez commun [...]. Les filles et les femmes sont aussi plus attirées par les mondes alternatifs : heroic-fantasy, science-fiction, paranormal… Les intérêts spécifiques des femmes peuvent aussi plus facilement les amener à compenser la notion d’intuition sociale qui leur manque [...] en regardant par exemple beaucoup de séries télévisées ou lisant des livres de sociologie et de psychologie pour comprendre davantage le fonctionnement des individus."

Les Intérêts Spécifiques sont nécessaires pour une personne autiste, et ce pour plusieurs raisons :

• Surmonter l’anxiété : chercher à comprendre l'inconnu, ce qui effraie.
• Une source de plaisir : satisfaction de s'adonner à une passion intense.
• Une source de relaxation : particulièrement lorsque la personne cumule beaucoup d'anxiété.
• Une tentative d’atteindre une forme de cohérence : compenser la difficulté à avoir une vue d'ensemble en apprenant à connaître un sujet / objet sous tous les angles.
• Un sens de l’identité : être admiré ou apprécié pour ces connaissances.

» Source : Comprendre l'autisme - Les intérêts spécifiques

En ce qui me concerne...

Enfant, mes IS étaient les dinosaures, les planètes et les animaux, particulièrement les insectes. Mais je cumulais également énormément d'objets. Mes parents aiment dire que je collectionnais les collections tant je cumulais. J'ai eu une collection de canettes qu'on me rapportait parfois aussi de vacances, j'ai découvert des boissons absolument infectes avec cette collection. J'aimais les pierres, les clefs, les vieilles cartes postales, etc. J'avais aussi beaucoup de livres avec "de la petite écriture" comme je disais, plein de tableaux que je ne comprenais pas, car généralement, les livres n'étaient pas en français.

Il y avait évidemment une limite financière à tout ça, mais Dieu sait que j'aurais aimé avoir toute la collection des jouets "Mighty Max" (appelé "Doom zone", genre de boîtes façon "Poly Pocket" - j'en avais aussi - mais "pour garçons"). J'ai reçu ma première Doom Zone par ma grand-maman paternelle, celle avec le serpent, appelée Palace of Poison, la première de la collection, et j'ai complètement accroché. J'en achetais sitôt que j'avais un peu d'argent de poche. J'avais aussi envie d'avoir toute la collection de certaines figurines dinosaures, etc. Je rêvais des jouets "Sylvanian Families", je rêvais de tous les avoir. Mais je préférais n'en avoir aucun plutôt que d'en avoir qu'un ou deux. Avec moi, c'était tout ou rien.

Je ne me suis jamais intéressée à la mode, au maquillage, aux garçons. Même si j'ai pu apprécier certains garçons, je ne faisais pas particulièrement de manières pour les attirer, je ne m'habillais pas de façon à attirer les regards, etc. J'étais moi, malgré moi. Et j'avais beaucoup de mal à comprendre quand un garçon me témoignait de l'intérêt. Je continuais à m'intéresser à des choses plus particulières, comme le paranormal quand j'étais adolescente. J'aimais beaucoup tout ce qui touchait à l'ésotérisme ainsi qu'aux extraterrestres, aux OVNIs, etc. Je lisais des témoignages de personnes ayant vécu des expériences étranges, je rêvais de super pouvoirs, etc. Et puis il y avait le dessin, la photographie et l'écriture qui commencèrent à prendre beaucoup de place dans ma vie.

Puis un jour, j'ai découvert le site Parano.be, un site communautaire basé sur le jeu de rôle "Paranoïa" que je ne connaissais pas du tout à l'époque. Pour s'inscrire sur le site, il fallait être invité, mais le nombre d'invitations était limité à l'époque et il m'a fallu une semaine pour enfin pouvoir m'y inscrire. J'adorais le principe, je pouvais être moi sur ce site rempli de personnes étranges et originales. Je pouvais parler de mes passions, je pouvais inventer, je pouvais faire des connaissances sans avoir à supporter des présences, je gérais les interactions en fonction de mes envies. C'était le bonheur total. C'est devenu un IR au point que je passais pratiquement tout mon temps sur ce site. En pleine formation de designer en information, je passais la plus grande partie de mon temps sur ce site, délaissant les travaux à fournir pour ma formation, travaux que je m’évertuais à réaliser au dernier moment, réussissant à fournir le minimum demandé... Jusqu'à ce que les demandes me dépassent, et que je rate ma formation, l'arrêtant prématurément.

Je n'ai jamais perdu mon intérêt pour la nature, c'est pourquoi, à chaque fois que j'adoptais un animal, il me tenait à cœur de tout savoir à son sujet pour lui offrir le meilleur possible. C'est ainsi que j'en suis venue à m'intéresser aux souris jusqu'à leur génétique (j'en ai même fait un site complet sur le sujet - La souris suisse), puis aux chiens jusqu'à leur comportement, langage et psychologie (et j'ai également fait un site sur le carlin, car nous avons adopté un chien de cette race particulière - Le carlin).

J'ai hésité un temps avec certains animaux dits d'ornements (poissons, reptiles...) et me suis informée à leur sujet avec passion également, mais me suis rapidement rendu compte que cela ne me correspondrait pas, laissant alors tomber mon intérêt pour eux.

Depuis longtemps, je me passionne pour le fonctionnement du cerveau, la psychologie, la manipulation, par les médias, la publicité, de masse, etc. Quand je suis tombée enceinte, je me suis passionnée pour la psychologie de l'enfant, son développement, moteur et mental, son éducation, comparant les théories, les méthodes, etc., cherchant le meilleur moyen de lui apprendre les choses, la vie, le monde.
En découvrant le syndrome d'Asperger, j'ai compris que cet IS avait certainement aidé à ce que je m'intègre facilement en société, mais sans pour autant apprécier les grands rassemblements, préférant la solitude, le calme, mon cocon. Du coup, maintenant, je me prends d'intérêt pour le SA, ainsi que tout ce qui touche à la personnalité (MBTI, ennéagramme, et d'autres), le développement de la personne, les émotions (dont l'hypersensibilité), etc. ainsi que tout ce qui touche à la douance (T/HPI).

Mais je garde au fond de moi une passion intense pour l'écriture. Je ne peux pas vraiment m'y consacrer avec mon emploi du temps de mère au foyer, mais je me rattrape un peu en remplissant ce blog d'articles, ce qui lie IS pour l'écriture, ainsi que pour les SA et tout le reste.

J'ai également des IS de collection, limitées toujours pour les mêmes raisons financières, mais petit à petit, elles prennent de l'ampleur et mon mari se demande au monde ce que cela peut m'apporter de cumuler ce genre de choses. Comme je ne peux pas me contenter de tout avoir, je sélectionne d'après certains critères esthétiques.

Mes collections se tournent donc vers :

• les cartes, oracles, tarots, mais également jeux de société divers,
• les tasses que je ne peux même plus ranger intégralement dans un meuble - à la base achetée juste pour elles - et dont une grande partie est rangée dans un carton, au garage,
• les pierres précieuses et semi-précieuses, même si là, il s'agit d'une collection particulièrement frustrée qui a fini dans une boîte, mais qui n'attend que d'être remise en avant.
• les images, toutes sortes d'images qui me plaisent et qui me font rêver, que je cumule sur mon ordinateur, mon téléphone portable, mais surtout sur le site d'images Pinterest.

 Et j'aime également m'entourer de livres, énormément de livres, ils sont mon cocon, ma bulle de bien-être, de sécurité. La matérialisation de mes IS...